Je vous parle enfin, et comme promis, de Queensrÿche, groupe que – je l’espère ! – nombre d’entre-vous ne connaissent pas, même si je ne doute pas un seul instant qu’il y a parmi les fidèles lecteurs et commentateurs de ce blog des fins connaisseurs du métal, et de la musique en général. J’espère que beaucoup d’entre-vous ne connaissent pas Queensrÿche pour avoir le plaisir et l’honneur de vous faire découvrir ce groupe majeur du métal progressif des années 80 à nos jours.
D’emblée, je place au frontispice de ce billet l’incroyable et inoubliable logo du groupe, l’un des plus réussis que je connaisse. Je devrais même penser à le réutiliser dans un projet quelconque, pour le fun. Aussi inquiétant qu’un logo de black métal, aussi beau qu’un logo commercial, aussi underground qu’un logo de batcave, il incarne à lui seul tout l’esprit si particulier du groupe.
Queensrÿche est américain, vient du nord de la côte ouest, Seattle, zone pourtant plus propice au rap qu’au métal. Je parle tout de suite du tréma sur le y, qui n’existe dans aucune langue connue ; ne cherchez pas sa signification, je crois qu’il n’en a aucune. Chris DeGarmo et Michael Wilton, deux copains d’enfance guitaristes, décident de former un petit groupe à l’orée des eighties. Le duo recrute alors des amis d’école, Geoff Tate, Eddie Jackson et Scott Rockenfield.
Je n’ai jamais vraiment intégré qui est qui dans ce groupe, mais je dois dire que le front line du groupe, c’est-à-dire Chris et Geoff, ont un style et un look de dandys qui n’est pas sans rappeler celui des goths de la grande époque. Bref, après avoir peaufiné leurs chansons pendant près de 2 ans, le nouveau groupe – qui s’appelait encore The Mob – enregistre, produit et met sur le marché une cassette – démo de 4 chansons. La cassette se met à circuler dans le nord-ouest américain ainsi qu’au Canada. C’est ainsi qu’EMI produit leur premier album intitulé sobrement Queensrÿche, nom que le groupe lui-même prend en référence à la chanson phare de sa démo : Queen of the Reich. Cet album atteindra la 81e position du Billboard. Ensuite, le groupe réalise 2 autres albums qui connaîtront plus ou moins de succès: the Warning (en 1984) et Rage for order. The Warning a été produit par James Guthrie, qui a travaillé pour Pink Floyd et Judas Priest. Il contient, je crois, les premiers éléments progressifs du groupe, qui marqueront son style depuis lors.
Je dois dire que, malgré les recommandations de mes amis lecteurs, BlackJack en particulier, je ne connais aucun de ces albums, et notamment pas RoO, qu’il a pourtant fortement conseillé. Il faudra donc que je me documente.
Je saute quelques années, je reviendrai un peu plus bas sur la période tournant autour de l’année 1988, sans doute le zénith de la carrière de ce groupe.
Empire sort en 1990. C’est un album très populaire qui se distingue sur les palmarès britanniques. La chansonSilent lucidity sera d’ailleurs un énorme tube aux Etats-Unis, ce qui ne laisse pas de me surprendre, tant je trouve cette chanson totalement insignifiante, sur un album certes pas terrible mais qui recèle tout de même en son sein une chanson éponyme que je trouve remarquable, tant pour la musique bien sûr, que pour le texte, qui dénote dans le monde magique des bisounours et du hard rock d’hier comme d’aujourd’hui. Un petit extrait s’impose :
Johnny used to work after school
At the cinema show
Gotta hustle if he wants an education,
He’s got a long way to go.
Now he’s out on the street all day
Selling crack to the people who pay.
Got an AK-47 for his best friend,
Business the American Way.
Ms je dois bien reconnaître que mis à part quelques passages fameux, la power-ballade Anybody Listening ?Par exemple, cet album est un petit bide. Et du reste, la scoumoune poursuivra Queensrÿche puisque les albums suivants, malgré un succès commercial non négligeable (au moins au début, les choses iront rapidement décroissant), feront progressivement fuir les fans de la première heure, ceux qu’un album mythique, un concept-album, a renversé : Operation:Mindcrime.
Ce sera le cas du pourtant pas nul Promised Land, qui devient à sa sortie en 1994 un succès commercial grâce à son immense masse d’admirateurs. Il devient aussi l’album qui atteint les plus hauts niveaux au palmarès pour le groupe, il grimpe jusqu’en 3ème position du Billboard 200. La classe. Il comprend quelques très très bonnes chansons, Promised Land justement, mais encore le morceau triste, intimiste, joué au seul piano Someone Else ?
Ce sera surtout le cas des albums suivants : Hear in the now frontier (1996), Q2K (1999), et enfin Tribe (2003). Chris DeGarmo, pourtant membre fondateur du groupe si vous avez bien suivi, s’est d’ailleurs séparé de ses anciens camarades pour poursuivre une carrière de pilote professionnel, à la François Fillon quoi.
J’en reviens donc à cette fameuse année 1988, celle de Seventh Son of a Seventh Son de Maiden, de …And Justice For All de Metallica, du premier album de Skid Row et de tant d’autres. C’est cette année que sortit un album majeur, encensé par la critique, le public, les fans, Operation:Mindcrime. J’ai dit il y a peu que c’était peut être l’album que j’avais le plus écouté de toute ma vie, et je suis certain de ne pas être le seul. Loin de là.
C’est un concept-album, qui donc raconte une histoire formant un tout cohérent depuis la première note jusqu’à la dernière. On peut sans problème le comparer à The Wall de Pink Floyd ou à Tommy des Who, ce qui n’est pas un mince compliment. Operation:Mindcrime raconte l’histoire d’un junkie (perhaps he needs another shot ! you’re a bastard) qui est manipulé pour commettre des assassinats pour un mouvement underground ; l’accro est déchiré entre sa loyauté pour la cause et son amour pour une ex-prostituée devenue sœur.
Cet album a la particularité incroyable de ne comprendre aucun hit, aucun morceau d’anthologie qui pourrait à lui seul crever le plafond des charts. Pourtant il déchire grave. C’est, comme le dit Jerome Morrow, une énorme claque et ce dès la première écoute ! Queensrÿche a su créer une atmosphère totalement à part, et c’est vrai aussi de leurs clips que je vous invite à regarder, indéfinissable, et tellement attirante. Toutes les chansons de cet album sont des merveilles, sans aucune exception. Au-delà de l’histoire, les textes (que je vous invite à lire) sont bien plus intelligents que ceux de la plupart de leurs concurrents. On y aborde crûment des sujets de société, d’un œil très critique vis-à-vis du modèle américain et du règne de l’argent, qui dénote vraiment par rapport à tout ce à quoi on pourrait légitimement comparer Queensrÿche. C’est vrai aussi des albums suivants, par exemple Empire, qui n’hésite pas à parler d’environnement et de gun control. Je soupçonne d’ailleurs nos amis de Seattle d’être des gauchistes larvés, à la sauce yankee évidemment.
Cet album comprend d’ailleurs, comme tout bon concept-album, des passages parlés, on entend à plusieurs reprises la présence de Suite Sister Mary. Bref, je ne sais que vous dire de plus que de courir vitesse grand V vous procurer ce fabuleux album et venir exposer ici ce que vous en avez pensé. Ecoutez juste Eyes of a Stranger, Revolution Calling, Spreading the Disease ou the Needle Lies, et vous comprendrez.
Pour l’anecdote, le dernier album du groupe à ce jour, qui date de l’an dernier, s’intitule Operation:Mindcrime II, et est une suite de l’illustre album, censée expliquer des points obscurs du premier volet, et répondre à nombre de questions. Autant vous le dire de suite : c’est un album franchement dispensable, en tout point identique au précédent en un sens, mais avec le génie en moins. C’est triste à dire, mais, à la différence de la compétence ou de l’expérience, la créativité artistique qui, à l’instant t peut habiter un individu, peut le quitter l’instant d’après. Elles sont nombreuses les victimes de dame Destinée.